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Covid 19 et culture : impacts et perspectives de sortie de crise 2/8

www.noocultures.info – Déclenchée en décembre 2019 à Wuhan, en Chine, la pandémie qui sévit partout sur la planète n’a pu faire l’objet d’aucune prévision ou prédiction de la part d’aucun analyste. Même les meilleurs scénaristes de Hollywood ne pouvaient l’imaginer ni dans sa densité ni dans son ampleur.  En l’espace de trois mois, la quasi-totalité de l’économie mondiale s’est retrouvée à l’arrêt. L’économie de la culture n’a pas échappé à cette nouvelle donne soudaine, profonde et d’une amplitude inégalée.

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Section 2 : Les arts de la scène ou arts vivants ou spectacles vivants

Essentiellement composée des disciplines artistiques telles que le théâtre, la musique (concert), la danse, le cirque, l’opéra, la poésie, conte, etc., la filière des arts de la scène a été touchée à la fois aux niveaux de l’offre et de la demande.

Impact sur l’offre de spectacles

Les salles de spectacle constituant le principal lieu de rencontre de l’offre et de la demande de spectacles, il va de soi que leur fermeture représente de facto la suppression de l’offre et l’impossibilité de l’expression de la demande. Dès lors, deux possibilités s’offrent aux artistes et aux groupes d’artistes : reporter les spectacles prévus sur la période de confinement ou les annuler.

Contrairement à certains domaines d’activités offrant la possibilité du télétravail, la diffusion de spectacle se prête peu à l’absence physique des artistes sur les lieux de travail. Même la phase de création ou de conception du spectacle requiert un travail de groupe à travers des séances de répétitions et de mise en commun auquel il est difficile de trouver une substitution.

Néanmoins, l’inspiration nécessaire à tout travail de création pourrait être favorisée par cette période d’isolement forcé. Ceci ne pourra s’apprécier qu’a posteriori, au regard de la richesse et de la qualité de l’offre des spectacles proposés après la période de confinement. En attendant, le marché des arts de la scène a connu du jour au lendemain, un tarissement drastique du fait de la fermeture des salles de spectacles et de l’interdiction de rassemblements, dans plusieurs pays et sur tous les continents.

Les festivals constituent un autre lieu d’expression de l’offre de spectacles. La plupart des festivals prévus sur l’année 2020 ont été soit annulés, soit reportés, soit modifiés dans leurs formes initiales pour être diffusés par internet. Ceci a contribué à réduire l’offre de spectacles sur la période. L’exploitation des unités opérant dans ce domaine a été sérieusement touchée, avec des pertes susceptibles de remettre en cause leur existence même. Généralement de tailles modestes, ces unités n’ont pas les moyens de recourir à une assurance, pour la plupart. Celles qui y parviennent ont peu de pouvoir de négociation face aux compagnies d’assurance cherchant souvent à se soustraire à leurs obligations contractuelles.

Impact sur la demande de spectacles

Du côté de la demande, la situation n’est guère reluisante. La demande de spectacles est généralement exprimée par les ménages disposant de budget pour le loisir et la culture et accessoirement par certaines entreprises, à des fins de marketing. La décision de fermer les lieux de spectacles et d’interdire les rassemblements a été pour beaucoup dans la rétractation de la demande de spectacle certes mais, même en l’absence d’une telle décision, la demande se serait auto-réduite.

En effet, soucieuses de la préservation de leur santé et de leur sécurité, les populations se seraient abstenues de se rendre dans des endroits susceptibles de favoriser la propagation du virus. Ceci est d’autant plus vérifié que l’on a constaté une baisse de la demande de spectacles dans les pays n’ayant pas opté pour le confinement de leurs populations (Corée du Sud et la Suède) et qui ont plutôt misé sur le sens des responsabilités de leurs citoyens.

Les salles de spectacles et autres lieux de regroupement de foules sont a priori favorables à une telle propagation. C’est donc tout à fait normal que l’on observe une chute libre de la demande de spectacles pendant la période de prévalence du coronavirus, dans les pays ayant opté ou non pour le confinement général de leurs populations.

Perspectives de reprise

Dans la filière des arts de la scène (ou arts vivants), on observe à la fois l’arrêt de l’offre et de la demande de spectacle, donc un effondrement subit du marché des arts du spectacle. En l’absence de vaccin, il faudra apprendre à vivre avec le virus. Les activités économiques devront donc reprendre à court terme, si l’on ne souhaite pas que la crise sanitaire se mue en crise socio-économique grave et durable. Les activités économiques afférentes aux arts et à la culture aussi devront être également relancées.

Scénario 1 : Courbe des revenus en forme de L (pessimiste) – Interdiction de spectacles à court terme

Il est possible que les activités des arts du spectacle restent interdites encore pour quelques mois, étant donné leur penchant à la mobilisation de foules et leur caractère non essentiel à la survie du genre humain. Dans ce cas, la courbe du marché des arts du spectacle restera aplatie pendant toute la période de prévalence du Covid 19. Elle prendra la forme de la lettre L.

 

Graphique 1 : Revenus  des arts du spectacle vivant en cas d’interdiction de réouverture à court terme

 

Légende :

Après avoir connu un arrêt brusque en mars 2020, le chiffre d’affaires de l’industrie du spectacle reste au plus bas pendant au moins dix (10) mois, sous l’effet de la non réouverture des salles.

 

Scénario 2 : Courbe des revenus du en forme de la lettre V légèrement aplatie (optimiste) – reprise des spectacles à court terme

Avec la reprise des activités économiques, les salles de spectacles pourraient être autorisées à rouvrir mais sous la contrainte du respect des gestes barrières tels que le port de masque ; le lavage systématique des mains et la distanciation sociale aussi bien au niveau de l’offre que de la demande. Les salles devront tourner avec la moitié de leurs capacités respectives, dans le meilleur des cas. Les artistes devront intégrer ces mêmes contraintes dans leurs créations.

Dans un tel contexte, les salles de spectacles ne connaîtront pas leurs affluences d’avant la crise. Les retours en salles  seront progressifs et suivront probablement la courbe de diffusion de l’innovation de E. Rogers avec des « innovateurs » (2,5%), des « premiers adeptes » (13%), la « majorité précoce » (34%), la « majorité tardive » (34%) et des « retardataires » (16%). Ces pourcentages sont à appliqués aux nombres de spectateurs antérieurs à la crise.

Même dans ce climat, l’industrie du spectacle vivant restera confrontée à certaines réalités spécifiques à sa nature :

l’incompressibilité des charges structurelles : quel que soit le taux de remplissage d’une salle de spectacle, les principales charges telles que le l’amortissement des immobilisations, la consommation d’électricité, les charges salariales, etc. restent identiques.

la loi de W. Baumol : L’absence de gain de productivité dû à l’innovation technologique, l’absence d’économie d’échelle et l’incompressibilité des charges salariales dû à une intensité en main d’œuvre dans l’industrie des arts de la scène constitue une  des spécificités de cette industrie.

l’inélasticité de la demande à la marge : difficulté à mobiliser de nouveaux spectateurs uniquement en baissant le prix des billets.

Graphique 2 : Revenus  des arts du spectacle vivant en cas  de réouverture à court terme

 

 

Légende :

Les revenus générés par l’industrie du spectacle vivant pourraient redécoller mais compte tenu des contraintes liées à la prise en compte des gestes barrières contre le Covid 19 auront du mal à revenir à court terme à leur niveau d’avant la crise.

 

 

Scénario 3 : Courbe des revenus en forme de la lettre W (probable) : alternance entre reprises et fermetures

Il est probable que survienne une seconde vague d’épidémie dans la plupart des pays frappés par la pandémie et qui envisagent un déconfinement. En supposant que les spectacles redémarrent et s’arrêtent au rythme de cette épidémie, on pourrait anticiper une succession de redémarrages et de chutes des revenus. Il en découle donc une multiplication de la courbe du scénario 2.

Graphique 3 : Revenus  des arts du spectacle vivant en cas  de réouverture à court terme suivie de fermeture

 

 

Légende :

Les revenus générés par l’industrie du spectacle vivant pourraient redécoller mais compte tenu d’une seconde vague d’épidémie, connaitre des rechutes.

 

 

Conclusion partielle 

Plusieurs pays prévoient des mécanismes de soutien à l’économie. L’économie des arts des spectacles devra également bénéficier à juste titre de ces actions. Dans ce domaine, les actions pourraient prendre la forme d’une substitution à la demande. C’est une forme de soutien à l’offre qui consiste à contribuer à la réduction des déficits de recettes liées à la billetterie que les festivals et les salles sont susceptibles de connaitre du fait de l’annulation des dates. Dans ce cas, ces derniers devront faire l’effort de dédommager les artistes et autres acteurs avec lesquels ils sont en contrat. Ceci permettra à ceux-ci d’être également impactés mais indirectement par les mécanismes d’intervention mis en place par les pouvoir public.

A SUIVRE…….

Par William CODJO, Expert en gouvernance et économie de la culture ©www.noocultures.info