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JCC 2018 : Les prisonniers répondent encore présents

En marge des projections officielles dans les salles de cinéma, la programmation des Journées Cinématographiques de Carthage (JCC) prévoit des séances dans certaines prisons, pour la 4è fois consécutives. Pour cette édition 2018, les JCC dans les Prisons se tiennent du 4 au 9 novembre dans 6 prisons.

Le fait n’est pas nouveau. Bien au contraire. Depuis 4 ans que le partenariat tripartite JCC (Journées Cinématographiques de Carthage)- OMCT (Organisation Mondiale contre la Torture)-DGPR (Direction Générale des Prisons et de la Rééducation) est né, il tend à rentrer dans les habitudes, et à devenir une routine pour les organisateurs. Tenir des séances de projections de film dans les prisons fait désormais partie intégrante de la programmation des Journées Cinématographiques de Carthage.

« Avec cette quatrième édition, les JCC dans les prisons sont devenues une tradition dans cette manifestation cinématographique internationale » s’est ainsi réjoui le directeur général des JCC, Néjib Ayed qui précise que pour une première fois,  « les projections des films seront poursuivies après la clôture des JCC dans les prisons en régions » et ceci en partenariat avec la direction générale des prisons et de la rééducation et l’Organisation Mondiale contre la Torture (OMCT).

Lancées le dimanche 4 novembre 2018 dans la prison de la Mornaguia où près de 500 détenus ont pu suivre la première projection nationale  du film « Regarde-moi fi ainiya » (Regarde-moi dans les yeux) de Néjib Belkadhi, les JCC dans les prisons se poursuivent jusqu’au 9 novembre et parcourent respectivement les prisons de Borj Erroumi, de Mornag, de Messaidine, de Sidi Elhani et Mahdia.

A la prison de Mornag, le mardi 06 novembre, plus de 150 détenus et près d’une quinzaine de journalistes étaient présents pour la projection du long métrage (94’) Jusqu’à la fin des temps de Yasmine Chouikh (Algérie). Une projection dans une ambiance des grands jours (tapis rouges, décor de salle de cinéma, chaises et tables décorées) qui s’est soldée par une séance de questions-réponse entre la réalisatrice et les détenus. Un véritable moment de partage et d’évasion pour ces prisonniers. Un exercice auquel s’est volontiers livré la réalisatrice qui dit n’avoir pas « hésité un seul instant avant d’accepter la projection du film dans une prison ». « C’est un moment unique que je viens de vivre » conclut-elle. Elle n’aura pas été la seule.

Une fin de séance productive

Dès les dernières images de la projection, et comme ils l’ont fait tout au long de la projection, les détenus de la maison d’arrêt de Mornag se sont laissés aux applaudissements pour féliciter le film qu’ils viennent de regarder. Certains se sont même levés, sous les regards des gardes, pour esquisser quelques pas de danses sur le générique de fin.

Produit par MakingOf Prod, “Jusqu’à la fin des temps” raconte l’histoire de Ali, fossoyeur septuagénaire et gardien du cimetière de Sidi Boulekbour, et Djoher, veuve septuagénaire qui visite pour la première fois ce cimetière pour se recueillir sur la tombe de sa sœur. Djoher rencontre Ali et lui demande de préparer, de son vivant, ses funérailles.

Surpris par sa demande peu commune, le fossoyeur finira par satisfaire la demande de cette femme désespérée, mais se laissera prendre au piège d’un rapprochement émotionnel. Devant le refus de Djoher d’accorder la demande en mariage du fossoyeur, ce dernier quitte le village où il a passé une partie de sa vie.

Un scénario parfaitement intégré par les détenus, en témoigne leurs prises de parole à la fin du film. Qui pour apporter des suggestions à la réalisatrice, qui pour apprécier le jeu des acteurs, qui pour enfin poser des questions sur tel ou tel choix effectué par Yasmine Chouikh.

Un franc succès au final pour l’OMCT qui estime que « le fait de projeter des films et de mener des débats entre les équipes des films et les détenus, avec la modération de psychologues, est une expérience réussie qui a été bénéfique pour les prisonniers et même pour le personnel pénitencier ». Car, « bien que les prisonniers soient privés de leur liberté, ils ne doivent pas pour autant être démunis de leurs autres droits, surtout le droit à la culture. Il fallait donc amener la vie culturelle dans les endroits fermés tels les prisons », conclut la représentante de l’OMCT, avec satisfecit.

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