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Burkina Faso : Un projet artistique multiculturel ressuscite le Théâtre populaire Désiré Bonogo

BURKINA FASO – La soirée de restitution de la résidence ayant réunis des danseurs du Soudan, du Burkina Faso, du Sénégal et du Togo, dans le cadre du projet Harakaat, a été l’occasion de la remise en service de cet espace culturel emblématique de Ouagadougou, la capitale burkinabè.

Ce 26 novembre 2022, à l’entrée du Centre de Développement Chorégraphique, CDC La Termitière, les photos de l’exposition proposée par le photographe burkinabè Warren Saré retiennent l’attention. Ces images de personnes lambda ayant accepté de poser dans l’antre du théâtre populaire ne laissent en effet personne indifférent. Pour le photographe, il s’agit d’une part de montrer le caractère populaire de l’espace, mais aussi d’intéresser toutes les couches sociales à la renaissance de ce lieu emblématique. Sur la quinzaine de photos, un coiffeur ou une coiffeuse, un blanchisseur…, ont accepté de poser dans le « studio Pam Pam » de Warren Saré. Le photographe affirme avoir rencontré presque 200 personnes dépositaires de la mémoire et conscientes de la charge historique de ce lieu.

Au nom de cette charge, les populations riveraines, les autorités politico-administratives ainsi que les acteurs culturels ont massivement fait le déplacement ce 26 novembre 2022 pour assister au premier spectacle dans l’antre du théâtre populaire, depuis plus de 20 ans. Plus de 2000 spectateurs ont rempli les 4/5 des gradins du théâtre. Satisfecit général et mots de reconnaissance envers les Goethe-Institut du Burkina Faso et du Soudan qui ont saisi l’opportunité du projet Harakaat pour accompagner le Centre de Développement Chorégraphique, CDC La Termitière dans la réhabilitation de cet espace historique. Comme l’ont rappelé tour à tour les intervenants au début de la cérémonie, c’est le Capitaine Thomas Sankara en personne, qui inaugure, en 1986, le théâtre Désiré Bonogo sur une superficie de 4500m2 et une capacité d’accueil de 2.500 places.

Réparer une injustice.

« Le dernier spectacle qu’il y a eu ici, c’était dans les années 2000. Donc, je puis dire que cela fait 22 ans au moins qu’il n’y a plus rien eu comme spectacle ici », croit savoir Mahamadou Nacanabo,  coordonnateur du Projet Harakaat qui met en avant les échanges entre des chorégraphes et danseurs du Soudan, du Sénégal, du Togo et du Burkina Faso. Outre son volet interculturel, le projet a entrepris de financer la réalisation des travaux de réhabilitation du Théâtre Populaire Désiré Bonogo. Des travaux de nettoyage général, de peinture, d’électricité, de plomberie, de menuiserie métallique, de revêtement (toiture et étanchéité) ont ainsi été réalisés.

« Il s’agit de redonner à cet espace sa valeur d’espace historique faisant partie du patrimoine de la ville », affirme la présidente du Conseil d’Administration du CDC, Marguerite Doanio. Comme elle, le directeur du CDC, le chorégraphe Salia Sanou reconnaît qu’il était temps que le Théâtre soit à nouveau opérationnel pour permettre aux populations de pouvoir profiter des spectacles. « C’est redonner vie à Sankara que d’être ici ce soir. C’est un espace qui lui tenait à cœur et il a largement et personnellement contribué à ce qu’il voit le jour », a-t-il laissé entendre. Les populations, elles, ne se sont d’ailleurs pas faites prier pour honorer massivement  la performance finale du Projet Harakaat, marquant la réouverture du Théâtre.

Ainsi, ce 26 novembre, le public a pu assister à la restitution de la résidence artistique ayant réuni des danseurs du Soudan, du Burkina Faso et du Togo, encadrés par les chorégraphes Burkinabè Salia Sanou, Sud Soudanais Justin John Billy et Sénégalais Baïdy Bâ.

Revisiter le patrimoine.

 « C’est historique de remettre les pieds ici. J’étais convaincu qu’on avait définitivement perdu cet espace ». « Le spectacle est simple à comprendre. Je trouve que c’était bien de pouvoir mettre des paroles sur les chorégraphies. Les chanteuses nous ont aidé à comprendre les danseurs ». « J’ai tenu à venir avec mes enfants. C’est leur première fois. Mais moi, je redécouvre ce lieu mythique ». A la fin du spectacle, quelques spectateurs n’ont pas caché leur satisfaction d’assister à ce double évènement : la performance finale du projet et la réouverture du Théâtre Populaire Désiré  Bonogo.

D’une heure environ, la restitution finale du projet Harakaat (« Mouvement » en arabe) est un spectacle mêlant musique et danse qui questionne nos sociétés actuelles et les rapports entre les hommes. La quinzaine de danseurs, accompagnée par les chanteuses burkinabè Awa Boussim et Malika la Slameuse, a offert au public un spectacle émouvant. Construit en trois tableaux autour des thématiques de l’identité, de la contemporanéité et du futur, le spectacle offre au public des prétextes de réflexion sur l’humanité. Les textes poignants slamés par Malika ont parfaitement fait écho aux messages de paix véhiculés par Awa Boussim. Quant aux danseurs, dans la symbiose, ils ont su traduire ces messages à travers des chorégraphies puisant fortement dans la tradition et le patrimoine mais résolument contemporain.

Ouagadougou, terre hospitalière.

« Ce spectacle n’aurait pas pu avoir lieu au Soudan du Sud dans le contexte politique et social actuel. Car, voir des jeunes pratiquer la danse de façon aussi libre, et partager la scène entre hommes et femmes est impossible actuellement ». C’est ce qui justifie, selon Martin Pockrandt directeur du Goethe-Institut Burkina Faso, l’intérêt d’accompagner le Goethe-Institut Soudan pour donner une chance à ces danseurs d’intégrer ce projet interculturel. Principaux acteurs de la grogne sociale née après la révolution populaire de 2019 et le coup d’état militaire qui évince le président d’alors, Omar El Bechir, les jeunes ont recours à l’art pour exprimer leur mal-être.

Parmi les disciplines artistiques privilégiées, la danse. Le corps, pour eux, transmettra mieux leurs propos. Leur projet est bien accueilli par le Goethe-Institut Soudan. Seulement, le contexte sociopolitique marqué par des manifestions n’est pas favorable à l’exécution dudit projet. Dans la recherche du cadre propice, il est apparu que le secteur de la danse au Burkina Faso a une bonne dynamique malgré les soubresauts politiques que le pays de Thomas Sankara traverse depuis 2014, date de sa récente révolution populaire. Le spectacle présenté ce 26 novembre 2022 retrace en partie ce cheminement, cette quête du mieux-être collectif ou individuel. Sur des thématiques de l’amour, des contradictions, du vivre-ensemble, les danseurs ont laissé exprimer leurs corps.

Désormais, tous les regards sont tournés vers le futur. Car, si l’unanimité se fait autour de la pertinence de la démarche des Goethe-Institut du Burkina Faso et du Soudan, les inquiétudes demeurent autour de la pérennisation de l’action de rénovation. Les travaux restants seront-ils réalisés ? Si oui, par qui et quand ? Les opérateurs culturels et le public apprendront-ils à se réapproprier l’espace après tout ce temps d’abandon ? Quid des autorités communales et celles en charge de la culture ? Autant d’interrogations dont les réponses resteront pour l’instant en suspens. Car ce 26 novembre 2022, une seule chose comptait : célébrer ce premier pas important dans la sauvegarde d’un patrimoine commun. Ainsi lancé, le mouvement ne devrait plus s’arrêter. A priori.

Eustache AGBOTON ©www.noocultures.info

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