vendredi , 29 mars 2024
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Gaming au Burkina Faso : « avoir un écosystème plus structuré d’ici 5 ans», espère Evelia Gadegbeku

BURKINA FASO – Elle préside ENTER AFRICA au Burkina Faso, une organisation créative présente dans 16 pays africains. Depuis sa création, l’organisation s’emploie dans le domaine des jeux vidéo ludiques. Et c’est en lien avec cette mission que le projet « Goethe Game Station » a été initié et lancé depuis mai 2022, en collaboration avec le Goethe-Institut Burkina Faso.  Evelia Gadegbeku revient dans cet entretien avec notre rédaction sur les objectifs du projet et les enjeux du gaming au Burkina Faso.

noocultures.info : Au cours d’une conférence, il y a deux ans, vous avez affirmé que le gaming est inexistant au Burkina Faso. La situation a-t-elle évolué ?

Evelia Gadegbeku : J’ai en effet dit que l’écosystème du gaming est inexistant au Burkina Faso, pas parce qu’il n’y a pas d’acteurs mais parce que quand on parle d’écosystème, les acteurs se doivent d’avoir un certain niveau pour qu’on puisse les « mapper » comme on le dit dans notre jargon. Le covid-19 a eu un impact à la fois négatif et positif sur notre secteur. Négatif du fait qu’on a eu des difficultés à recevoir de l’aide financière sur les différents projets gaming, et positif grâce à l’impact sur la réduction des coûts liés à l’internet.

Pour parler du Burkina Faso, aujourd’hui on a des acteurs qui se démarquent, et on voit une convergence d’activités autour de l’eSport mais malheureusement pas de manière professionnelle. La mise en avant du « Cash Prize », le prix que gagnent les joueurs, ne permet pas de créer des joueurs professionnels ou de les positionner dans un classement au niveau national, voire international. Il serait plus judicieux de créer des leagues qui permettent d’avoir des joueurs référencés par catégorie et qui puissent être compétitifs  à l’international.

Evelia Gadegbeku à droite, aux côtés de Martin POCKRANDT, directeur du Goethe-Institut Burkina Faso au lancement du Goethe Game Station ©Enter Africa Ouaga

 

On crée un joueur professionnel en créant des leagues bien établies, on les cartographie avec des objectifs qui leur permettent d’être référencés au niveau international et de recevoir des invitations aux 4 coins du monde. Jacob KONFE de la CJEO (Compétition des Jeux Électroniques de Ouagadougou, ndlr) vient d’intégrer officiellement l’IESF (l’International eSport Federation, ndlr), ce qui marque un tournant dans l’eSport burkinabè pour les années à venir. La prochaine étape, on y travaille déjà, c’est la mise en place d’une fédération eSport internationale au Burkina Faso avec différents acteurs qui sont présents. En ce qui concerne les salles de jeux, très peu de salles ont des aspects techniques que nécessitent les Games Center pour accueillir des compétitions internationales. Au Burkina avec les différents ateliers qu’on organise, ils comprennent maintenant la nécessité de se régulariser, et d’avoir le minimum standard pour que s’il y a une opportunité à saisir à l’international, le Burkina Faso soit représenté.

En termes de studios de jeux, on a plus de studios d’animation que de développement de jeu vidéo au Burkina. Mais je pense que c’est une première étape. Le Burkina Faso a « Kumankan studio », un studio de jeux vidéo qui a à son actif 3 à 4 prototypes de jeux dans leur répertoire. Aujourd’hui, les projets de co-production naissent de plus en plus sur le continent, ce qui permet de développer les compétences internes au niveau de chaque pays. Nous espérons d’ici 5 ans avoir un écosystème plus structuré, non pas seulement au niveau continental mais au niveau du Burkina.

Le projet « Goethe Game Station » lancé il y a quelques semaines s’inscrit-il donc dans cette vision ?  

Oui, parfaitement. Le Goethe Game Station est une caravane de jeux qu’on a initiée en partenariat avec le Goethe Institut Ouagadougou. Elle a pour but de créer une plateforme axée sur les connaissances et les compétences autour des jeux vidéo/de la réalité virtuelle (VR). Nous créons des possibilités de relations avec la communauté des jeux, nous encourageons l’engagement des jeunes, nous établissons une plateforme pour le travail créatif et, bien sûr, nous offrons un passe-temps agréable pour les jeunes burkinabè. Cette caravane est prévue se dérouler sur 7 mois durant lesquels nous allons visiter les quartiers populaires de la ville sur différents sites. Il s’agit des quartiers où la caravane va passer chaque premier weekend du mois pour faire découvrir les différents programmes qu’on a préparés, à savoir la réalité virtuelle, les jeux de société, les jeux vidéo et pouvoir discuter des opportunités de collaboration entre les jeunes créatifs et les game designers.

Deux étapes de cette caravane ont eut lieu début mai et début juin. Quel bilan en faites-vous ?

Nous avons été agréablement surpris par l’engouement suscité, que ce soit au niveau des acteurs culturels, au niveau des médias ou même des jeunes venus des différents quartiers, qui ont pris plaisir à découvrir le programme qu’on a préparé pour eux. Ce qu’il faut savoir c’est que ENTER AFRICA au Burkina Faso, c’est déjà plus de 4 années d’activité, que ce soit pour le développement de jeux vidéo, des programmes de conceptions de consoles de jeux ou des compétitions d’eSport. Ce qui nous a poussé à nous engager sur ce projet, c’est le fait qu’à chaque évènement, on se retrouvait dans notre communauté restreinte. Cependant pour développer un écosystème, il faut s’ouvrir au monde, s’ouvrir aux jeunes et parler un langage qu’ils comprennent. Donc on a pris plaisir à élaborer un projet qui nous permet de fédérer les différentes communautés créatives. En mai,  nous avons démarré la caravane par une table ronde sur « Les obstacles à l’émergence des jeux vidéo au Burkina Faso ».

Cette table ronde qui s’est déroulée en présence de l’ambassadeur de l’Union Européenne, Wolfram VETTER et de son épouse,  nous a permis de partager avec le public présent, les expériences des différents acteurs présents au Burkina ; on a pu compter sur la présence de Yasser SANGARE, Co-fondateur de « Kumakan studio » dont je parlais plus tôt, de Jacob KONFE, président de la compétition de jeux électroniques de Ouagadougou  (CJEO), une compétition annuelle d’E-Sport et de Martin POCKRANDT, directeur du Goethe Institut Burkina Faso, modérateur du panel.

Par la suite, les spectateurs ont pu tester les différents jeux et activités programmés. Environ 70 à 80% de ceux qui étaient présents n’avaient jamais testé les casques de réalité virtuelle ; on est allé avec 2 modes : le PICO qui montre tout ce qu’on peut faire avec les cameras 360° et les opportunités surtout avec les créateurs de contenus qui émergent de plus en plus au Burkina ; et le casque OCCULUS qui est dédié aux jeux vidéo à travers certains jeux, assez ludiques, qui permettent de rappeler le cœur de notre domaine d’activité : faire plaisir à tout un chacun.

Photo de famille à l’issue du lancement du Goethe Game Station ©Enter Africa Ouaga

Quelle sera la suite de ce projet aux termes des 7 mois de mise en œuvre ?

Ce projet est très inclusif, mais on souhaitait d’abord briser les barrières et rendre accessible le langage qu’on a dans ce secteur. Nous pensons pour les prochaines années aller sur un volet plus grand parce qu’on s’est concentré sur la ville de Ouagadougou. On aura un calendrier, peut-être pas 7 mois, mais un calendrier plus structuré qui va permettre aux jeunes de pouvoir créer eux-mêmes du contenu pour nous permettre d’animer la caravane et nous espérons avoir le 1er festival gaming au Burkina.

Notre rôle au niveau d’ENTER AFRICA, c’est de fédérer les différents acteurs. On n’a pas la prétention de nous substituer à ce qu’ils font ; nous gérons, nous montons des projets qui leur permettent de collaborer ou nous collaborons avec eux sur des projets qui permettent de développer leur écosystème. Notre slogan c’est « Your gateway to african creators », c’est-à-dire on est la passerelle entre tout ce qui est écosystème créatif sur le continent ; on sert de passerelle entre l’Europe, les Etats-Unis, l’Asie et l’Afrique. On a beaucoup d’opportunités qu’on reçoit mais pour pouvoir créer cette passerelle, il faut également que les acteurs qui sont présents sur le continent comprennent le dynamisme et l’économie derrière cette industrie pour pouvoir s’intégrer.

Propos recueillis par Hortense ATIFUFU ©www.noocultures.info

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