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Giovanni Houansou : dramaturge, résilient et « solutionneur »

www.noocultures.info – Il a fallu essayer 3 fois. Mais la troisième fois sera la bonne. En 2018, la trentaine à peine franchie, le Béninois Giovanni Houansou décroche le Prix RFI Théâtre avec son texte « Les inamovibles ». Une détermination qui définit l’homme dans tout ce qu’il entreprend : essayer jusquà réussir, tant que c’est possible.

Giovanni Houansou n’en démord pas. Etre lauréat du Prix RFI Théâtre n’est que l’aboutissement de sa détermination finalement reconnue à l’international. Devant un parterre d’invités à la conférence de clôture de la 3è édition du Salon National du Livre du Bénin où il est mis à l’honneur le 21 décembre 2019, le dramaturge tente de partager sa vision des choses. Foi, volonté, détermination et amour pour la perfection. Ainsi pourraient se résumer les qualités de ce trentenaire qui se définit comme un « solutionneur ». « Le seul problème que je peux avoir , c’est de ne pas savoir le problème que j’ai. Car dès que j’arrive à identifier mon problème, j’ai la solution qui va avec », confie-t-il.

Abordant la question des migrations clandestines avec ses tracasseries déroutantes parfois suicidaires, sa pièce « Les inamovibles » est écrit en hommage à tous ceux qui ont disparu sur la route migratoire Sud-Nord. Le jury présidé par la comédienne Firmine Richard a salué « une écriture très singulière, où tous les registres dramaturgiques sont explorés, un texte fait d’éclats, d’histoires humaines qui décalent la question de l’exil et de la migration. L’auteur se place avec ceux qui restent, ceux qui souffrent. C’est une pièce où l’absurde, l’humour, le concret et le politique se mêlent pour parler de l’autre côté de l’exil ! ». Cest tout Giovanni.

Persévérant

Né à Cotonou en 1987, c’est en 2012 que Sedjro Giovanni Houansou se fait connaître avec un premier texte, « 7 milliards de voisins », publié aux Editions Plurielles dans le cadre du concours national décriture Plumes Dorées. Celui qui a débuté comme acteur et metteur en scène au sein l’Ensemble Artistique et Culturel des Étudiants de l’université d’Abomey Calavi (qu’il dirigera plus tard), proposera en 2015 une première pièce «Courses au Soleil » pour le Prix RFI Théâtre. « Après mon premier essai, j’ai acquis la conviction qu’il ne faut pas se donner des limites et que j’étais capable de décrocher ce prix », explique-t-il.

En 2016, sa pièce « La rue Bleue » est remarquée dans la présélection du «Prix RFI Théâtre ». La même année, il est accueilli en résidence au CNES La Chartreuse de Villeneuve lez Avignon, puis bénéficie en 2018, du dispositif Visas pour la Création de l’Institut français. C’est à Dakar, dans le cadre de ce dispositif qu’il peaufine « Les inamovibles » dont l’écriture a démarré en résidence à Conakry lors du Festival Univers des Mots et s’est poursuivi à Bamako dans le cadre des Praticables. « L’expression même de l’espace métamorphosé et le temps aboli » selon le jury du Prix RFI Théâtre 2018 dont il sera le lauréat.

Humaniste

« Les inamovibles », c’est aussi et surtout l’expression d’une colère. Ne pouvant plus supporter les barrières érigées aux frontières empêchant le libre mouvement humain, le dramaturge dénonce le phénomène grâce à ce qu’il sait mieux faire : écrire. «Le mouvement humain est normal. Mieux sans mouvement, il n’y a pas de développement. Tout le monde traite des causes et des conséquences de l’exil et de la migration. Et bien souvent, on se trompe parce que l’attente et le retour ne sont jamais abordés. Et moi, je suis hanté par cette idée », souligne celui-ci. « J’ai envie que les gens puissent aller d’un coin à l’autre, librement, sans être bloqués par les frontières tant physiques que spirituelles ou par le rejet des autres » a t-il ajouté. Même s’il estime qu’on peut rester dans son pays et s’internationaliser.

Les « Inamovibles » est une pièce qui met les projecteurs sur une époque dans laquelle les hommes ont perdu l’humain en eux. Un phénomène que l’auteur a dénoncé dans un style loin du commun et apprécié. Pour le professeur des lettres Fernand Nouwligbèto, « Giovanni Houansou sait puiser dans la langue, les ressources formelles à l’expression du tragique ». « Les pages de la pièce baignent dans une poésie intense admirablement suivie par des métaphores filées, des répétitions anachroniques, des retournements de sens, l’humour noir», a-t-il témoigné lors de la sortie officielle du livre sur le territoire béninois.

« J’écris pour que les choses bougent. C’est à mon entendement un rôle qui incombe aux écrivains. j’ai vu des aînés comme Ousmane Aledji (Bénin) le faire avant moi. Je ne fais que continuer sur ce chemin car je pense que c’est le bon. J’écris aussi pour que chaque être humain puisse élargir dans son esprit, l’espace et le temps dédiés au possible, surtout les jeunes en Afrique » se justifie le jeune auteur devant les invités à Cotonou ce 21 décembre 2019.

Par Raoul DONVIDE ©www.noocultures.info

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