vendredi , 19 avril 2024
Home Afrique de l’Ouest Mare aux crocodiles de Bazoulé (Burkina Faso) : au-delà de l’esthétique, le sacré
Afrique de l’OuestFestival & RencontresPatrimoine & Tourisme

Mare aux crocodiles de Bazoulé (Burkina Faso) : au-delà de l’esthétique, le sacré

www.noocultures.info – Inscrite dans la programmation officielle de la 2e édition des Journées d’Intégration Culturelles des Universités de l’Afrique de l’Ouest (JICUAO), la visite à la mare des crocodiles de Bazoule a été l’occasion pour les participants de découvrir un patrimoine historique des plus particuliers. Cette sortie touristique entend amener la jeunesse africaine à s’approprier son patrimoine et à entretenir ses valeurs culturelles.

A Bazoulé, localité située à près de 30 kilomètres de la capitale burkinabè dans la commune rurale de Tanghin-Dassouri, les populations ont fini par s’habituer aux touristes et curieux qui défilent. Le village est devenu une destination touristique incontournable au Burkina-Faso, notamment grâce à sa « mare aux crocodiles ». Ce sont des milliers de visiteurs chaque année qui vont admirer la beauté de ce paysage unique.

D’après Prospère Kaboré, un des guides sur le site, ces crocodiles désormais sacrés à la population de Bazoulé, existent un millénaire et seraient originaires du Nil. Ils se seraient retrouvés dans le village de Bazoulé après une grande pluie. Ils ont été et sont dès lors d’un grand secours pour le village qui traversait une période de sécheresse.

En effet, explique-t-il, à leur arrivée, les crocodiles ont procuré de l’eau au village en creusant des trous pour faire leur nid. Inoffensifs et plutôt protecteurs, ils laissèrent la population se désaltérer avec l’eau recueillie dans leur nid. Une véritable fortune pour la population, qui décida de creuser une marre à ces crocodiles en signe de reconnaissance, d’où la « mare aux crocodiles de Bazoulé ». Et ce fut le début d’un pacte de protection et d’amitié entre crocodiles et habitants à Bazoulé. Aujourd’hui, il est presque normal de voir un ou mêmes des crocodiles près de la concession des villageois ; parfois même dans la chambre de ceux-ci.

« Cette mare a été creusée par la population, sous l’ordre du chef, Naaba Kuulga. Il était important pour nous d’ériger et d’entretenir une demeure à ces crocodiles qui nous ont sauvé la vie. Donc les crocodiles nous protègent et nous aussi nous les protégeons », raconte Prospère KABORE.

Les crocodiles sont « nos âmes »

Le « Koo-m Lakré » est une cérémonie d’hommage aux crocodiles, initiée toujours pour les remercier. Autrefois célébrée chaque trois ans, elle est aujourd’hui annuelle et se déroule le dernier dimanche du mois d’octobre, selon les explications du guide. Une journée au cours de laquelle, « il pleut du matin au soir », nous a-t-il confié.

Au-delà donc de l’aspect esthétique ou touristique, « la mare des crocodiles » constitue pour la population un précieux objet de vénération. « Ils représentent pour nous nos âmes, ils sont comme nos arrières parents, nos ancêtres. A l’approche de la saison pluvieuse, les sages viennent à la mare pour demander la santé, la bonne récolte, la pluie, etc. ».

A l’occasion du Koo-m Lakré, tout le village est appelé à faire une offrande aux crocodiles sacrés. Un âne, un coq et un bouc sont immolés en leur honneur. « Une fois qu’un crocodile est malade, il sort de l’eau. Quand il meurt, on l’enterre comme un humain, avec les cérémonies appropriées. On l’habille totalement on blanc. Une tombe est creusée et tout le village est convié à la cérémonie », explique le guide.

Aujourd’hui, il est difficile d’estimer le nombre exact de crocodiles dans la mare. Une centaine, apprend-on. Bien plus, disent d’autres sources. Pour les sortir de l’eau, il faut leur donner une poule (à consommer). Le reste, seuls les guident arrivent véritablement à communiquer avec ces reptiles, visiblement attentifs aux consignes. Comment exactement font ces guides ? Cela reste un mystère. « Ce sont des initiations, donc c’est un secret bien gardé », se vante Prospère Kaboré, tout souriant !

Par Akouavi DAGONA, de retour de Bazoule ©www.noocultures.info