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« Une veillée au Sahel » : quand la danse invite à la résistance

BURKINA FASO – Le chorégraphe Serge Aimé Coulibaly désacralise le théâtre et met en scène des habitants du quartier de Bougsemtenga à travers le spectacle de danse « Une veillée au Sahel » représenté à la cérémonie d’ouverture de la 12ème édition des Récréâtrales le samedi 29 octobre 2022 à Ouagadougou. Axée sur des thématiques en lien avec l’insécurité au Burkina Faso, cette pièce a permis à ces hommes et femmes de s’extérioriser.

« Une veillée au Sahel », c’est le cri de cœur de tout un peuple porté par des dizaines d’habitants de Bougsemtenga – quartier hôte des Récréâtrales -, de Kaya et de Tenkodogo. S’appuyant sur des fragments socio-politiques et culturels, cette pièce mise en scène par le chorégraphe burkinabé Serge Aimé Coulibaly, donne la parole à ces hommes et femmes invisibles qui, pourtant, constituent les forces vives du Burkina Faso. Il ne s’agit pas ici d’une chorégraphie exécutée par des professionnels mais plutôt d’un propos exprimé par des amateurs à travers la danse. Mais il n’en demeure pas moins que les expressions corporelles de ses derniers transmettent de vives émotions. Tant dans le regard que le gestuel, chacun tente d’exprimer son amertume, son désespoir, mais aussi sa détermination à résister comme le traduit si bien cette assertion de feu Thomas Sankara devenue une devise : « La patrie ou la mort, nous vaincrons ».

La scène s’ouvre sur des personnes en quête de repère qui vont d’un point à un autre comme pour essayer de comprendre ce qui leur arrive. Mais ce moment de quête caractérisé par une déambulation sous une sonorité mélancolique laisse rapidement place à une insurrection populaire qui se solde par des pertes en vies humaines.  Et on se rend bien vite à l’évidence qu’« Une veillée au Sahel » met en scène cette atmosphère d’insécurité marquée par le terrorisme, les soulèvements populaires, les coups d’Etat au pays des Hommes intègres. Dans une scénographie sobre avec une lumière tamisée qui renvoi aux veillées funéraires dans les sociétés africaines, ces danseurs amateurs abordent tels des professionnels, une série de thématiques qui entravent leur quotidien depuis plusieurs années. Guidés par le chant du griot et son orchestre qui donnent le ton au rythme de la représentation, ces artistes circonstanciels laissent libre court à leurs ressentis pour traduire plus d’une situation avec diverses figures chorégraphiques.

« Donner le pouvoir à ceux qui peuvent »

Au-delà d’une simple pièce de danse, « Une veillée au Sahel » incarne la détermination du peuple burkinabè à transcender tous ses aléas en vue d’un avenir meilleur. Car sans trop s’attarder sur les scènes de pleurs et de lamentations, la pièce s’enchaîne avec des cris de révolution et d’éveil des consciences. Comme pour signifier qu’il faut un temps pour pleurer les morts, mais aussi un temps pour changer le cours de l’histoire. Les danseurs trouvent tout de même la force de s’indigner, de s’enrager et de prendre leur destin en main. A travers des pas de danses plus rythmés et saccadés, ils montent au créneau pour dire leur ras-le-bol quant à l’inefficacité des politiques face aux diverses crises qui entachent la paix au Burkina-Faso. « Si vous ne pouvez pas prendre notre destin en main, donnez le pouvoir à ceux qui peuvent », crient-ils à l’unisson.

Jouant aussi sur la symbolique, cette pièce met en évidence les pratiques ancestrales qui ont permis aux peuples africains de résister à bien d’invasions pendant des millénaires à travers des scènes de masque et de rituels comme pour conjurer le sort. Dans un même mouvement « Une veillée au Sahel » donne corps à la détermination des femmes dans cette lutte patriotique. À travers une scène en échos au soulèvement marquant le départ du pouvoir de Blaise Compaoré en 2014, les femmes s’arment de leurs spatules et montent aussi créneau. « Si tu ne peux protéger le peuple et braver l’ennemie, donne ton sabre de guerre aux femmes qui t’indiqueront le chemin de l’honneur », scandent-elles dans la pièce.

Interviewé à la fin du spectacle, Serge Aimé Coulibaly confie que ce fut un gros chalenge que de travailler avec les amateurs, mais qu’il en sort grandi et satisfait. « Les émotions, l’envie de partage, le deuil sont humains », dira-t-il pour justifier la facilité de ces danseurs amateurs à porter un propos aussi délicat sur un terrain artistique.

Inès Fèliho (Bénin)
Article rédigé dans le cadre de l’atelier “Médias et Théâtre” organisé par l’Association Nord Ouest Cultures, NO’OCULTURES, à l’occasion de la 12è édition des RECREÂTRALES, avec le soutien de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF)

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