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Cinéma et art vidéo : halte à la bataille géopolitique et esthétique autour de l’image

www.noocultures.info – Les frontières, croisements et tensions entre ces deux médiums, cinéma et art vidéo, appellent à des discussions interactives. D’où l’organisation, dans le cadre du Gabès Cinéma Fen, d’une table ronde sur question. La première partie des débats a eu lieu ce mardi 10 mai 2022.

Siryne Eloued, jeune artiste tunisienne a mis cinq ans pour obtenir son diplôme en cinéma. La formation dure normalement trois ans, mais la jeune femme a vu sa réalisation professionnelle de fin d’étude être rejetée plus d’une fois. Son travail, selon ses encadreurs, ne respectait pas les codes cinématographiques. Elle figure parmi les artistes amateurs retenus pour l’exposition de l’art vidéo (K Off) organisée pendant cette 4è édition du Gabès Cinéma Fen.  Ce mardi 10 mai 2022, elle fait partie du public du complexe l’Agora, venu prendre part au débat « Cinéma et art vidéo : frontières, croisements, tensions créatrices ». Une discussion interactive organisée par ce festival qui promeut le cinéma, l’art vidéo et la réalité virtuelle.

La relation entre la vidéo et le cinéma est en crise, s’accordent les panélistes et l’assistance. Crise qui réside en la nature des propositions artistiques faites par les deux médiums, mais également dans la bataille de l’espace et du marché. Et bien que les deux arts partagent les mêmes urgences et les mêmes intérêts, les frontières existent.

Rabih Mroué, homme de théâtre/vidéaste libanais et curateur de l’exposition sur l’art vidéo cette année au Gabès Cinéma Fen (El Kazma), explique que c’est le besoin d’élargir l’espace qui le fait passer à d’autres formes d’expression comme la vidéo. Selon lui, l’art est essentiellement un processus de transformation, savoir comment parvenir jusqu’aux autres, comment les toucher. Son compatriote réalisateur Ghassan Salhab note quant à lui, que c’est moins pour des raisons artistiques qu’économiques que naît l’art vidéo. L’image subirait donc une sorte de coup d’état de la part de la vidéo.

« Il y a une responsabilité à exercer lorsqu’on crée une image. Le grand danger réside dans le fait que l’on oublie ce qu’on est, ce que l’on veut réaliser. On n’a pas besoin d’être clair, mais savoir où est-ce que l’on va », précise-t-il. Cependant, il est aussi question de l’autorité en interaction avec l’outil technologique. Le cinéma exercerait une autorité sur le spectateur, venant du réalisateur et tout le dispositif mis en place pour diffuser un film. L’art vidéo par contre, offre une souplesse qui rend le spectateur libre face à l’œuvre. On visionne l’œuvre autant de fois qu’on le souhaite et l’artiste est facilement accessible au même moment.

Par ailleurs les différents pouvoirs (marché, politique et esthétique) bousculent et troublent les rapports entre ces deux arts. Le marché par exemple, impose le type de format. L’art vidéo sera facilement exposé dans un musée qu’un film cinématographique. Il y a le pouvoir esthétique aussi, qui, selon le critique cinématographique français Jean-Pierre Rehm, catégorise et crée des automatismes. Quoique certains vidéastes intègrent déjà dans leurs travaux des pratiques esthétiques propres au cinéma, notamment le champ/contre-champ ou plongée/contre-plongée.

Sous sa casquette de délégué général du Festival International du Documentaire de Marseille, il confie que « Art contemporain-cinéma, c’est un débat qui existe depuis environ vingt ans. Il faut éviter les diverses formes de censures. Moi j’aime les images  plein de gaucheries et de faiblesses affichées. J’aime que l’étrangeté soit à la source de l’image et du son ». Tous ces arts selon lui, devrait avoir la liberté de migrer autant dans la créativité que dans l’espace.

Tout comme lui, Olivier Hadouchi, historien du cinéma et programmateur de films, encourage et félicite la démarche de Gabès Cinéma Fen de parsemer les vidéos sur les sites du festival. « Cela permet aux différentes images de dialoguer ensemble et parfois même de s’opposer. Je pense qu’il est important de repenser des agencements qui soient différents, de décloisonner le public. Ce n’est pas évident parce que beaucoup de gens n’aiment pas mettre en crise leur façon de penser », indique-t-il.

Sans vouloir la mort ni la dilution du cinéma, Siryne Eloued souhaite que l’art vidéo avance à part entière. « J’apprécie le cinéma et je le comprends. J’aime regarder un film avec une histoire construite. Mais je veux aussi que l’art vidéo soit mis en valeur et ça commence à être le cas. Il existe des batailles même au sein de la famille cinéma, avec le cinéma contemporain qui peut avoir des formes hybrides entre le documentaire et la fiction », fait remarquer celle qui s’identifie aujourd’hui comme artiste en art visuel et vidéo.

Pélagie NG’ONANA, envoyée spéciale à Gabès ©www.noocultures.info

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