samedi , 27 avril 2024
Home A la Une Royaume-Uni : Nominée aux National Dance Awards, « une victoire » pour la Togolaise Anique Ayiboe
A la UneAfrique de l’OuestArts vivantsDiaspora africaineFrançaisPortraits & Découvertes

Royaume-Uni : Nominée aux National Dance Awards, « une victoire » pour la Togolaise Anique Ayiboe

© William Belle Photographie

www.noocultures.info – La présence de la Togolaise dans une short list de cinq danseuses, ultime sélection issue de près de quatre cent recommandations effectuées par une soixantaine de journalistes,  témoigne de la percée des danseurs africains sur la scène internationale depuis plusieurs années.

Les traits sont tirés mais le visage reste radieux. Anique Ayiboe accuse la fatigue d’une tournée qui l’emmène sur les scènes du monde entier. Depuis 2021, la danseuse togolaise figure avec trente quatre autres danseurs dans Le Sacre du printemps, l’œuvre magistrale créée en 1975 à Wuppertal (Allemagne ) par la chorégraphe allemande Pina Bausch (1940 – 2009) et remontée à l’Ecole des Sables, au Sénégal, avec une distribution exclusivement africaine (Coproduction Pina Bausch Foundation, Ecole des Sables, Sadlers’well). En alternance avec la capverdienne Luciény Kaabral, Anique Ayiboe interprète le rôle de l’Elue, celle que le rituel printanier condamne au sacrifice. Un rôle tragique, très éprouvant, d’une physicalité absolue. Mais un rôle qui lui vaut d’avoir été nominée en avril dernier aux National Dance Awards, le prix de danse le plus prestigieux au Royaume-Uni, décerné annuellement depuis 2001.

L’écho de sa nomination dans la catégorie « Meilleure performance féminine moderne 2022 », n’a cependant pas franchi les blanches falaises d’Albion. L’intéressée, stupéfaite par l’annonce, a relayé l’information sur les réseaux sociaux mais la presse culturelle africaine ne l’a alors pas reprise. Pourtant, la présence de la Togolaise dans une short list de cinq danseuses, ultime sélection issue de près de quatre cent recommandations effectuées par une soixantaine de journalistes ayant arpenté pendant toute l’année 2022 les salles de spectacle britanniques, livre un signal fort. Elle témoigne de la percée des danseurs africains sur la scène internationale et de l’insertion progressive, dans le champ mondial de la danse, de la création chorégraphique produite sur le sol africain, dont l’essor se confirme depuis plusieurs années.

De retour à Lomé, en ce début de Juin, Anique Ayiboé profite d’une courte période de relâche, entre la tournée du Sacre, qui se poursuit au moins jusqu’en 2024, et une résidence de création au Burkina et au Sénégal avec la chorégraphe Salamata Kobre. Je la retrouve au local de la compagnie de danse contemporaine Woenyo, qui fête ses vingt ans cette année et avec laquelle elle fit ses débuts sur scène. Niché dans une ruelle reculée du quartier de Nukafu, le studio dispose d’un large plateau cimenté, entièrement couvert, et flanqué d’arbustes indociles.

La cérémonie des National Dance Awards vient tout juste d’avoir lieu à Londres. Le prix pour lequel Anique était nominée a finalement été attribué à la danseuse cubaine Zeleidy Crespo, interprète de l’exceptionnel Carlos Acosta. La Togolaise n’en conçoit aucune déception. «Avoir été nominée est déjà, en soi, une victoire » glisse-t-elle dans un large sourire. Le trophée lui échappe, certes, mais elle a gagné en visibilité : une chorégraphe européenne, dont elle ne divulguera pas le nom, souhaite l’engager sur un prochain projet.

« Les trois dernières années de ma vie ont été une grande bénédiction » complète-t-elle en précisant qu’elle est croyante. De fait, sa sélection en 2019 parmi 137 candidats pour jouer dans la reprise du Sacre du Printemps de Pina Bausch, puis sa seconde sélection pour incarner le rôle de l’Elue, sur qui repose toute la fin du spectacle, ont donné un coup d’accélérateur à sa carrière professionnelle. Sur le plan économique – elle vit aujourd’hui de son métier – et sur le plan artistique.

L’artiste âgée de 31 ans s’est lancée dans la danse somme toute assez tardivement. Après son bac, elle rejoint un groupe de jeunes de son église qui organise des soirées de musique et danse. Le percussionniste Gagnon Ayigah, membre de la compagnie Woenyo la remarque et l’encourage à aller plus loin. Elle accepte timidement de s’inscrire à un stage à Brin de Chocolat, une école de danse située dans le vieux Lomé qui a beaucoup contribué au développement de la danse contemporaine au Togo. Un an plus tard, en 2015, elle intègre l’Ecole des Sables dont elle sort diplômée en 2017. Elle participe aux créations de la compagnie Woehno puis l’aventure
du Sacre se présente.

« Danser Le Sacre m’a fait énormément grandir, affirme-t-elle. J’ai découvert le vocabulaire de Pina Bausch, complètement nouveau. Et une technique complètement différente. J’ai aussi appris à devenir une interprète, à dégager de l’émotion ». Quant au rôle de l’Elue qui lui a valu la prestigieuse nomination britannique, « il m’a enrichi, m’a amené à dépasser mes limites, à pousser loin mon corps et mes limites mentales. A la fin de la pièce, je donne tout. Quand je danse, je ne vois alors plus rien. Je me dis : je vais mourir. Je me bats contre quelque chose. C’est comme une transe. Je suis dans un autre niveau et à la fin, c’est comme si quelque chose était sorti de moi. Je vois alors la lumière revenir. Il me faut rassembler mes dernières forces pour me relever et saluer le public ».

Par-delà ce rôle, Anique Ayigoé se confie sur la transformation personnelle que son engagement dans la danse a opéré. « J’ai été éduquée de manière très stricte. J’étais renfermée. Je ne parlais pas. J’étais dans mon coin. Même quand je souffrais, je restais seule. C’est la danse qui m’a permis de m’ouvrir, de m’épanouir ». Forte de sa maturité de femme, d’interprète et d’artiste, elle conclue notre échange en lançant un message aux futures vocations féminines de la danse au Togo: « Si la danse vous permet de vous exprimer, allez-y ! Ne le faites pas pour gagner de l’argent ou voyager. Allez-y avec humilité, honnêteté et vous impacterez le monde ».

Lomé (Togo), 8 juin 2023. Anne Décoret-Ahiha (Collaboration) ©www.noocultures.info

Related Articles

Afrique de l’OuestArts visuelsArts vivantsFestival & RencontresFrançais

Arts : quand Cotonou se positionne comme une plateforme africaine d’expression et de vente

www.noocultures.info – Pour la deuxième année consécutive, Cotonou accueille les professionnels des...

FrançaisOpportunités

Quarantenaire de la Semaine nationale de la culture du Burkina Faso : appel à communications

L’objectif central du colloque est d’évaluer le modèle SNC et d’identifier ses...

A la UneAfrique de l’OuestArts vivantsFrançaisNO'OCULTURES TV

[INVITE] : Hanna Samira MOUMOULA (Burkina Faso)

Jeune artiste conteuse burkinabè, Hanna Samira MOUMOULA a récemment remporté la médaille...